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Mes inspirations
LE PONT MIRABEAU
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Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
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Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
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Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
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L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
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Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
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Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
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Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
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Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
VŒU
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Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !
L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs,
Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers,
La spontanéité craintive des caresses !
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Sont-elles assez loin toutes ces allégresses
Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers
Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers
De mes ennuis, de mes dégoûts, de mes détresses !
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Si que me voilà seul à présent, morne et seul,
Morne et désespéré, plus glacé qu’un aïeul,
Et tel qu’un orphelin pauvre sans sœur aînée.
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Ô la femme à l’amour câlin et réchauffant,
Douce, pensive et brune, et jamais étonnée,
Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant !
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Paul Verlaine, Poèmes saturniens